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ثقافة LE FILM "LA TUNISIENNE" SUR BCHIRA BEN MRAD A-T-IL DÉFORMÉ LA RÉALITÉ? par MONCEF BEN MRAD

نشر في  10 فيفري 2023  (16:17)

Par MONCEF BEN MRAD

Sur le plan des principes, un film sur BCHIRA BEN MRAD, la femme légende qui a été aussi importante dans la lutte d'émancipation féminine que Bourguiba, mérite toute la considération. D'ailleurs sil Habib la surnommait "Ya Om Tounes" (la mère de la Tunisie) car elle a crée la première association féminine en 1936 à l'âge de 23 ans, soutenue par son père Cheikh El Islam Sidi Mohamed Salah Ben Mrad.

Malheureusement après avoir vu le film de Moncef Barbouch à la cité de la culture, j'ai été déçu pour les raisons suivantes. Le réalisateur, malgré ses bonnes intentions, ne connaissait pas en profondeur l'histoire de BCHIRA BEN MRAD. Pour l'époque c'était une femme révolutionnaire qui s'est battue comme une lionne en conservant son nom de jeune fille malgré son mariage. Elle était toujours habillée à l'européenne mais était une musulmane pratiquante.

En 1936, dans un contexte encore conservateur, c'était pour la fille de Cheikh El Islam une véritable révolution progressiste. Soutenue par son père sidi Mohamed Salah Ben Mrad et son mari, elle n'hésitait pas à manifester dans la rue la tête découverte, à prononcer des discours devant des parterres d'hommes et à sillonner la Tunisie pour créer des cellules affiliées à l'UNION DES FEMMES MUSULMANES DE TUNISIE qu'elle avait fondée.

C'était une femme d'une grande volonté, d'une grande personnalité, d'une conviction de fer et une stratège habile dans le cadre d'un islam fondé sur la foi, la tolérance et la modernité. Dans le film de Moncef Barbouch, toutes ces qualités n'étaient pas évidentes. Le réalisateur a mis l'accent sur le côté religieux et a gommé le cadre social.

Aucun mot sur les milliers de femmes de toutes les régions de Tunisie, de véritables héroïnes méconnues ou gommées de l'histoire officielle qui, bien avant Bourguiba, se sont battues pour l'indépendance du pays comme des lionnes.

Sur le plan de la structure, le film LA TUNISIENNE de Moncef Barbouch est défaillant. Il y avait la jeunesse, le soutien du père, l'influence de la princesse Nazli, la lecture des revues et l'atmosphère patriotique au sein de la famille. Sans omettre aussi l'islam des lumières et de la tolérance dans lequel elle baignait.

Pourquoi consacrer 10 minutes au congrès eucharistique alors que le film devait focaliser sur Bchira? De l'enfance, le film devait passer au combat de Bchira en faveur de la scolarisation des filles. C'est elle qui qui a écrit QU'AUCUNE SOCIÉTÉ NE POUVAIT PROGRESSER SUR UNE SEULE JAMBE EN EXCLUANT LES FEMMES, et c'est elle qui organisé une fête au théâtre municipal pour fêter le doctorat de Tawhida Ben Cheikh, devenue première femme médecin de Tunisie, en affirmant que LES ÉTUDES SONT UNE COURONNE AU DESSUS DE LA TETE DES FEMMES.

Et c'est elle et L'UNION DES FEMMES MUSULMANES DE TUNISIE qui collectaient de l'argent et des colis pour soutenir les étudiants maghrébins en France. L' importance accordée à la scolarisation des filles par Bchira n'a pas été mise en exergue.

Puis le combat politique de la grande leader tunisienne n'est pas bien souligné dans le film, car Bchira a sillonné son pays pour créer des cellules féminines actives et patriotiques seule puis en coordination avec Bourguiba; la main rouge terroriste française, celle qui a assassiné Farhat Hached, a déposé une bombe devant sa maison et qui, heureusement, n'a pas explosé, ses manifestations avec d'autres femmes dans la rue n'ont pas été mises en relief.

Enfin les relations de Bchira avec Bourguiba, Hached, Mongi Slim et Belhouane ont été estompées. ELLE ETAIT UNE FIGURE CENTRALE DE LA GUERRE DE LIBÉRATION et BOURGUIBA LUI RENDAIT SOUVENT VISITE.

Rappelons pour mémoire que le film Fatma75 réalisé par Salma Baccar est l'un des rares documents cinématographiques qui s'est intéressé à la question de l'émancipation féminine et dans lequel la militante Bchira Ben M'rad témoigne et avance ce point de vue: "Dans tous les mouvements d'indépendance, il y a des gens qui sèment et d'autres qui profitent de la récolte".

Concernant la période d'après l'indépendance, on la montre pareille à un fantôme qui erre, habitant El MELLASSINE D’HAMMAM-LIF alors qu'elle occupait un appartement dans le palais beylical depuis 1980 avec son fils adoptif tout en étant soutenue par une famille pas très riche.

Reste la conclusion déplorable de ce film dans laquelle le réalisateur a voulu transformer Bchira la musulmane en sympathisante islamiste. Il montre une séquence inacceptable dans laquelle on voit Ali Laaraiedh, Mustapha Ben Jaafar, Moncef Marzouki et deux députées islamistes au parlement comme si le nouveau régime était le défenseur acharné des droits de la femme! Cette séquence constitue une manipulation éhontée et n'avait pas sa place dans ce film même si Moncef Barbouch a des sympathies politiques partisanes.

Cette conclusion teintée de propagande primaire est totalement inacceptable malgré quelques bonnes intentions du réalisateur. Nous attendons encore des films, sur Bchira et sur d'autres lionnes tunisiennes, qui respectent toute la vérité historique dénaturée par les pouvoirs masculins et négligée par certaines recherches universitaires gauchistes.