أخبار وطنية L’esprit réformateur Tunisien; visiteur timide ou perdu depuis un bon bout de temps? par Mahdi Chihaoui
Par Mahdi Chihaoui
Etudiant à la Faculté des Sciences Juridiques Politiques et Sociales de Tunis
Ce n’est point le hasard du calendrier où la parution d’un tel article coïncide avec l’anniversaire de l’indépendance et la signature du Protocole du 20 Mars 1956.
En effet, depuis les dernières échéances électorales de 2019 et l’avènement de factions politiques pas très familiarisées à l’hémicycle parlementaire et aux rouages de l’Etat, la majorité des tunisiens et des tunisiennes se sent confuse.
L’opinion publique, cette « unité morale » semble politiquement déboussolée. Il s’agit d’un sentiment partagé entre la majorité des concitoyens ; ras-le bol des partis politiques et d’un parlement reflétant pluralisme mais aussi dispersion.
Nous nous sommes retrouvés face à une conjoncture tout d’abord politique jamais connue sous cette république sexagénaire et ce pays souverain depuis 64 ans.
Parfois vivant des périodes d’agressivité et de brutalité notables, les Tunisiens d’après ce qui a été remarqué avaient oublié ou peut-être on leur a fait oublier les éléments constitutifs et indispensables de notre identité, de cette ‘Tunisianité’.
Une « Tunisianité » où le réformisme y est bien ancré depuis des siècles, un réformisme considéré comme l’un des piliers de cette identité susmentionnée, une identité voulant se distinguer des autres identités avoisinantes faisant de la Tunisie un exemple pionnier et un paradoxe comparant à son entourage. Ce caractère réformateur n’est point né aujourd’hui mais relève plutôt d'une longue chronologie et d'un processus de maturation.
Il est de prime abord nécessaire de s’arrêter au commencement de ce courant. En effet, beaucoup estiment que l’événement fondateur de cette ligne réformatrice est le pacte fondamental datant de 1857.
Le Pacte Fondamental fut promulgué sous le règne de Sadok Bey et ceci afin de retracer la nature des relations entre le souverain de l’époque le Bey de la régence et ses sujets. Un Pacte beaucoup plus connu par l’instauration du principe de l’égalité de droits entre les sujets musulmans et non-musulmans du Royaume.
Si d’après le Larousse et d’autres encyclopédies de renommée, le terme réformisme est défini comme suit : « Tendance qui apparaît dans les partis politiques qui se réclament du marxisme et qui vise à en modifier la doctrine, à l'adapter aux changements intervenus depuis Marx» et en tenant compte du long processus évoqué précédemment et les séries de lois promulguées, le réformisme Tunisien est cette ouverture décomplexée à la civilisation occidentale mais sans reniement de la religion et de l’héritage arabo-musulman.
Autrement dit, le réformisme Tunisien consiste à engager la société dans la voie de l’émancipation et l’ouverture sans qu'elle sombre dans une interprétation immobile et rigide des textes religieux mais aussi sans dérive séculière et laïque.
De ce bref aperçu historique, et en passant en revue plusieurs dates significatives ; 1846, 1861, 13 Août 1956; on se résout que le mouvement réformiste en Tunisie a commencé il y a déja fort longtemps. En effet la politologue Française Béatrice Hibou qualifie le réformisme comme un « grand récit politique de la Tunisie contemporaine ».
Au fil des années, ce réformisme donna de l’élan et du prestige à une régence surendettée et économiquement sclérosée pour se mêler après aux sentiments nationalistes partagés par des jeunes issus du Collège Sadiki et d’écoles modernes fruit de ce mouvement.
Ce même esprit avait guidé les gouvernements après l’indépendance afin de promouvoir un Modus Vivendi tunisien favorisant l’émancipation féminine et un ascenseur social qui a amené les enfants de toute la nation sur les bancs d’une école nationale, publique et civile.
Ce réformisme n’a certes pas pu souffler un vent de changement sur les pratiques du pouvoir et les méthodes de gouvernement marquées par des dérives autocratiques. En effet, le père de l’indépendance refusa de devenir le père de la démocratie Tunisienne et le général de 51 ans qui a pris la relève une de ces aubes de novembre 1987 malgré des promesses de renouveau et un pacte national (s’inspirant des idées réformatrices du réformateur Khair-Eddine) siffla vite la fin de la récréation.
Si la révolution de 2011 marqua un ras le bol de la situation qui y a régné, un commun accord a été partagé par la majorité de la population que les acquis étaient intouchables et qu’il fallait les inscrire dans cette nouvelle constitution.
Nul ne pourra nier qu’une période de révisionnisme et de négation a caractérisé la Tunisie de l'après révolution, mais la Constitution du 27 Janvier 2014 aboutissement d’un dialogue entre toutes les sensibilités politiques retient les mêmes principes incarnés par la Constitution du 1er Juin 1959.
Les principes énumérés dans le symbolique 1er article de la constitution longuement rappelé et scandé par l’ancien Président Beji Caied Essebsi qui avait incarné pendant une période une opposition ‘laïque’, en sont le meilleur exemple.
L’envie et l’initiative de consolider la société avec son environnement, ses croyances et ses perspectives d’avenir fit un retour un certain été de 2017 lorsque Beji Caied Essebsi a appelé à constituer la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) afin de renforcer la question des libertés individuelles et de l’égalité qui furent dans l’ordre du jour de l’exécutif.
Les débats, les plateaux télévisés en ont fait les frais et la problématique est réapparue : Ce mouvement réformiste ne veut point couper le peuple de ses racines mais plutôt ’Tunisifier’ l’Islam qu’Islamiser la Tunisie.
Bousculer les pratiques mais conserver quelques-unes, les Tunisiens ne doivent jamais ignorer la vocation de leur pays même dans les conjonctures les plus aigües et les drames les plus tragiques; pandémie ou autres. Puisque c’est le pays où l'on se sent plus méditerranéen dans les ruines de Carthage, plus arabo-musulman dans les mosquées phares et plus Sépharade ou un Juif Twensa dans la Ghriba ou au chevet de la tombe de Rabi Hai Taieb.
Crédit photo: Photo d'archive -Valorisation de notre histoire